L'Amour

 
  par Meher Baba  
   
  L'amour présent dans tout l'Univers

La vie et l'amour sont inséparables : là où il y a vie, il y a amour. Même la conscience la plus rudimentaire essaye toujours de faire éclater ses limites et de s'unir à d'autres formes, d'une manière ou d'une autre. Bien que chaque forme soit séparée des autres, elles sont toutes en réalité les formes de la même unité de vie. Même dans le monde de l'illusion, le sens latent de cette réalité intérieure se fait indirectement sentir dans l'attraction d'une forme vers une autre.

 

L'amour dans la nature inanimée

La loi de la gravitation, à laquelle toutes les planètes et les étoiles sont soumises, est à sa façon, un faible reflet de l'amour qui règne dans tout l'univers. Même les forces de répulsion sont en fait des expressions d'amour, car une chose éprouve de la répulsion envers une autre quand elle est attirée plus puissamment par une troisième. La répulsion est la conséquence négative de l'attraction qui, elle, est positive. Les forces de cohésion et d'affinité qui dominent dans la constitution même de la matière sont des expressions positives d'amour. Un exemple frappant d'amour à ce niveau, c'est celui de l'attraction que l'aimant exerce sur le fer. Toutes ces formes d'amour sont du type le moins développé puisqu'elles sont nécessairement conditionnées par la conscience rudimentaire où elles apparaissent.

L'amour dans le monde animal

Dans le monde animal l'amour se manifeste davantage sous la forme d'impulsions conscientes dirigées vers certains objets de l’entourage. Cet amour est instinctif et prend la forme de la satisfaction de divers désirs par l'appropriation des objets en question. Quand un tigre cherche à dévorer une biche, il est très réellement amoureux d'elle. L'attraction sexuelle est une autre forme d'amour à ce niveau. Toutes les expressions d'amour de ce type ont en commun le fait de chercher à satisfaire une impulsion ou un désir du corps au moyen de l'objet de cet amour.

L'amour humain et la raison doivent s'ajuster

L'amour humain s'élève au-dessus de ces formes inférieures d'amour, parce que la conscience de l'homme est pleinement développée. Bien que l'amour humain fasse suite, d'une certaine manière, aux formes d'amour inférieures pré-humaines, il en diffère par le fait qu'il doive se manifester conjointement avec un nouveau facteur, celui de la raison.

Tantôt l'amour humain se manifeste comme une force entièrement séparée de la raison et qui lui est parallèle.

Tantôt il se manifeste comme une force qui se mêle à la raison et entre en conflit avec elle. Enfin, i1 peut s'exprimer comme l'élément d'un tout harmonieux où l'amour et la raison ont trouvé leur équilibre et se sont fondus en une unité intégrale.

Formes inférieures d'amour

L'amour humain est encerclé d'un certain nombre d'obstacles tels que l'amour fou, le désir charnel, l'avidité, la colère et la jalousie. Mais même ces entraves à l'Amour sont soit des formes inférieures d'amour, soit les inévitables conséquences de ces formes inférieures d'amour. L'amour fou, le désir charnel, l'avidité peuvent être considérés comme des formes d'amour inférieures et faussées. Dans l'amour fou, la personne est amoureuse d'un objet sensuel ; dans le désir charnel, elle éprouve une envie de sensations en rapport avec cet objet, et dans l'avidité, elle désire le posséder. Parmi ces trois formes inférieures d'amour, cette dernière a tendance à se propager de l'objet initial aux moyens de l'obtenir. Ainsi certaines personnes deviennent avides d'argent, de pouvoir ou de célébrité, qui peuvent leur servir d'instruments en vue de posséder les différents objets de leurs désirs. La colère et la jalousie naissent lorsque ces formes inférieures d'amour sont contrariées ou en danger de l'être.

Ces formes inférieures d'amour entravent le jaillissement de l'amour pur. Le flot de l'amour ne peut jamais devenir clair et régulier tant qu'il se perd dans ces formes inférieures limitatrices et dénaturées. Ces formes inférieures d'amour sont les ennemies de sa forme la plus haute. Si la conscience est prise dans le rythme de ce qui est inférieur, elle ne peut s'émanciper des ornières qu'elle s'est elle-même créées et i1 lui devient difficile d'en sortir et d'avancer plus loin. Ainsi les formes inférieures d'amour continuent à entraver le développement de la forme la plus élevée, et doivent nécessairement être abandonnées afin de permettre la libre apparition de la forme d'amour la plus haute.

Amour et désir charnel

L'amour diffère aussi du désir charnel. Avec ce dernier, l'être s'en remet à un objet sensuel auquel il se trouve nécessairement subordonné spirituellement, alors que l'amour le met en rapport direct et coordonné avec la réalité qui se trouve derrière la forme. Le désir charnel est quelque chose de lourd alors que l'amour est léger. Le premier s'accompagne d'un rétrécissement de la vie, le second d'une expansion de l'être. En aimant quelqu'un, vous ajoutez une autre vie à la vôtre. Votre vie s'en trouve multipliée et vous vivez pratiquement dans deux centres. Si vous aimez le monde entier, vous vivez par procuration dans le monde entier. Par contre, le désir charnel s'accompagne d'un déclin de la vie et d'un sentiment général de dépendance sans espoir vis-à-vis d'une forme considérée comme autre. Il y a donc dans le désir charnel une accentuation de la séparation et de la souffrance ; en amour, au contraire, il y a un sentiment d'unité et de joie. Le désir charnel c'est la dissipation, l'amour la re-création. Le désir charnel est un ardent appétit des sens, l’amour, une expression de l’esprit. Le désir charnel recherche l'accomplissement alors que l'amour le vit déjà. Dans le désir charnel, il y a excitation, en amour il y a tranquillité.

Amour et avidité

L'amour diffère aussi de l'avidité. Cette dernière est un désir de possession sous toutes ses formes physiques et subtiles. L'avidité cherche à s'approprier des choses matérielles, des personnes et même des abstractions aussi intangibles que la célébrité et le pouvoir. En amour, il est hors de question d'annexer l'autre personne à sa propre vie individuelle ; il y a un épanchement libre et créatif qui vivifie et nourrit l'être de l'aimé, sans que celui qui aime n'attende rien pour lui-même. Il en découle le paradoxe suivant : l'avidité qui recherche l'appropriation d'un objet, mène en fait au résultat inverse, le moi se trouvant sous la domination de l’objet. Au contraire, l’amour dont le but est un don de soi, entraîne une incorporation spirituelle de l'aimé dans l'être même de celui qui aime. Par l'avidité, le moi essaye de posséder l'objet, mais c'est lui-même qui se trouve possédé par l'objet. Par l'amour, le moi s'offre a l'aimé sans réserve, mais dans cet acte même, il découvre qu'il a inclus l'aimé dans son être propre.

L'amour pur éveillé par la grâce

L'amour fou, le désir charnel et l'avidité sont des maladies spirituelles qui empirent souvent sous l'action aggravante des symptômes de la colère et de la jalousie. En opposition totale avec ceci, l'amour pur est l'épanouissement de la Perfection spirituelle. L'amour humain est tellement prisonnier de ces conditions limitatrices que l’apparition spontanée de l’amour pur venant de l’intérieur devient impossibles. Quand un tel amour pur naît dans le coeur de l'aspirant, c'est toujours un don : l'amour pur naît dans le coeur de l'aspirant en réponse à la descente de la grâce venant d'un Maître Parfait. Quand l'amour pur est reçu comme un don du Maître, il se loge dans la conscience de l'aspirant, comme une graine dans un sol propice et, avec le temps, la graine devient plante et la plante devient arbre.

Préparation spirituelle pour recevoir la grâce

La descente de la grâce du Maître est cependant conditionnée par la préparation spirituelle préliminaire de l'aspirant. Celle-ci n'est complète que lorsque l'aspirant a bâti dans son être intérieur quelques attributs divins. Quand une personne évite de dire du mal des autres et pense davantage à leurs bons côtés qu'à leurs mauvais, quand elle met en pratique une tolérance suprême et désire le bien des autres même au prix de son propre bien-être, elle est prête à recevoir la grâce du Maître. L'un des plus grands obstacles à la préparation spirituelle de l'aspirant est l’inquiétude. Quand, à la suite d'un suprême effort, cet obstacle est renversé, la voie est ouverte, permettant la culture des attributs divins qui constituent la préparation spirituelle du disciple. Dès que le disciple est prêt, la grâce du Maître descend, car le Maître, qui est l'océan d'amour divin, est toujours à l'affût de l'âme où sa grâce pourra fructifier.

L'amour pur est très rare

La sorte d'amour que la grâce du Maître éveille est un privilège rare. La mère prête a tout sacrifier et à mourir pour son enfant, le martyr prêt à donner sa vie pour son pays, sont très nobles, mais ils n'ont pas forcément goûté cet amour pur qui naît par la grâce du Maître. Même les yogis qui sont assis dans les grottes ou au sommet des montagnes, complètement absorbés en état de profond samadhi (transe méditative), n'ont pas nécessairement cet amour précieux.

Amour divin et amour humain

L'amour divin est qualitativement différent de l'amour humain. L'amour humain s'adresse aux formes multiples de l'Un alors que l'amour divin s'adresse à l’Un sous ses formes multiples. L'amour humain conduit à d'innombrables complications et enchevêtrements ; l'amour divin mène à l'intégration et à la liberté. Dans l'amour divin les aspects personnels et impersonnels s'équilibrent ; dans l'amour humain ces deux aspects prédominent alternativement. Quand la note personnelle l'emporte, il s'ensuit un aveuglement total à la valeur intrinsèque des autres formes. Quand, dans le sens du devoir par exemple, l'amour est surtout impersonnel, il rend souvent froid, rigide et mécanique. Le sens du devoir vient à l'individu comme une contrainte extérieure s'exerçant sur sa conduite, mais l'amour divin s’accompagne d'une liberté sans frein et d'une spontanéité sans limite. L'amour humain est limité à la fois dans ses aspects personnel et impersonnel ; l'amour divin, par la fusion de ces deux aspects, est infini en essence et en expression.

Dans l’amour divin, l'amant devient un avec l'Aimé

Même l'amour humain le plus élevé est soumis aux limitations de la nature individuelle qui persiste jusqu'au septième plan d'involution de la conscience. L'amour divin naît après la disparition du mental individuel et est libéré des entraves de la nature individuelle. Dans l'amour humain la dualité de l'amant et de l'aimé demeure, mais dans l'amour divin l'amant et l'Aimé ne font plus qu'un. A ce stade, l'aspirant est sorti du domaine de la dualité et est devenu un avec Dieu, car l'Amour Divin est Dieu. Quand l'amant et l'Aimé sont un, c'est la fin et le commencement.

La dynamique de l'amour

L'amour est le reflet de l'unité de Dieu, dans le monde de la dualité. Il constitue l'entière signification de la création. Si l'amour était exclu de la vie, toutes les âmes dans le monde deviendraient complètement extérieures les unes aux autres, et les seuls rapports et contacts possibles dans un monde sans amour seraient superficiels et mécaniques. C'est à cause de l'amour que les contacts et rapports entre les âmes individuelles prennent un sens. C'est l'amour qui donne sens et valeur à tous les événements du monde de la dualité. Mais, alors même que l'amour donne son sens au monde de la dualité, il est en même temps un défi constant à cette même dualité. A mesure que l'amour acquiert de la force, il engendre une turbulence créatrice et devient la force motrice majeure de cette dynamique spirituelle qui finit par redonner à la conscience l'unité originelle de l'Etre.

 


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