Les choses se présentent au mental comme s'il devait accepter l'une ou l'autre de ces solutions. Pourtant, il ne peut en accepter entièrement aucune. Lorsqu'il essaye de réprimer systématiquement son désir, il est insatisfait et brûle de l'assouvir. Mais s'il essaye le contraire, il prend conscience de l'asservissement dans lequel les sens le tiennent et il cherche alors à se libérer en se tournant à nouveau vers la répression systématique. Aucune de ces solutions ne parvient à satisfaire le mental et c'est ainsi que naît l'un des problèmes les plus importants et les plus compliqués de la vie humaine.
Les fausses promesses de ces deux pôles
Le désir altère donc le bon fonctionnement de l'imagination et présente au mental deux options ; celle de la satisfaction et celle de la répression, qui se révèlent toutes deux aussi décevantes l'une que l'autre quant à leur promesse de bonheur. Cependant, en dépit de ces déceptions alternées et répétées, le mental ne renonce généralement pas à la cause profonde de son malheur, c'est à dire au désir : lorsqu'il est déçu par la répression systématique, il se laisse facilement entraîner à croire que la satisfaction le rendra heureux ; de même, lorsqu'il est déçu par la satisfaction des sens, il croit que c'est la répression systématique qui lui apportera le bonheur.
La retenue est plus proche de la liberté que la satisfaction
Cependant, il ne faut pas oublier que la liberté est plus proche de la retenue que de la complaisance (bien que qualitativement, elle soit essentiellement différente des deux). Il en découle que pour les aspirants spirituels le célibat strict est préférable au mariage, si la retenue leur est facile et qu'ils n'éprouvent pas de sentiment excessif de frustration. Une telle retenue est, pour la plupart, difficile et parfois impossible : dans ce cas, il vaut donc mieux se marier que demeurer célibataire. Pour l'homme ordinaire la vie conjugale est sans aucun doute à préconiser, sauf dans le cas d'une aptitude particulière pour le célibat.
Possibilités du célibat ou du mariage
De même que le célibat requiert et appelle le développement de nombreuses vertus, la vie conjugale permet la croissance d'un grand nombre de qualités spirituelles de très haute importance. La valeur du célibat réside dans l'habitude de se maîtriser et le sentiment de détachement et d'indépendance qu'il procure. Mais tant que le mental ne s'est pas entièrement libéré du désir, il n'y a pas de vraie liberté. La valeur du mariage réside dans le fait qu'il est une école d'adaptation mutuelle et de sentiment d'union avec l'autre. Cependant seul l'amour divin peut amener l'unité véritable ou la dissolution de la dualité, et celui-ci ne peut naître tant que subsiste la moindre trace de passion charnelle ou de désir dans le mental. Ce n'est qu'en empruntant le chemin du renoncement intérieur et spontané au désir qu'il est possible d'atteindre la liberté et l'unité véritables.
Le chemin de la perfection
Le chemin de la vie intérieure est le même pour les célibataires que pour les personnes mariées. Lorsque les aspirants spirituels sont attirés par la Vérité, ils ne désirent rien d'autre, et au fur et à mesure qu'ils s'en approchent, ils se libèrent peu à peu de leurs désirs charnels. Qu'ils soient mariés ou célibataires, ils restent désormais insensibles aux fausses promesses de la satisfaction des sens et de la répression systématique ; ils pratiquent le renoncement intérieur et spontané au désir charnel jusqu'à ce qu'ils soient libérés du mirage des oppositions. Le chemin de la Perfection est ouvert aux aspirants spirituels, qu'ils soient mariés ou célibataires. Le fait qu'ils prennent comme point de départ le mariage ou le célibat, est une simple conséquence de leurs sanskaras et de leurs liens karmiques du passé. Ils acceptent volontiers les conditions que leurs vies antérieures ont déterminé pour eux, et les utilisent en vue de leur avancement spirituel à la lumière de l'idéal qu'ils ont perçue.
Nécessité d'un choix clair et net
Les aspirants doivent choisir l'une des deux voies qui s'offrent à eux : le célibat ou la vie conjugale, mais ils doivent à tout prix se garder d'un compromis facile entre les deux. S'ils cherchent à apaiser leurs désirs avec des partenaires de passage, ils ne peuvent que tomber dans un chaos dangereux et pitoyable où leurs appétits feront la loi. Un tel état de dispersion et de confusion voile les valeurs les plus hautes, perpétue l'asservissement aux sens, et dresse sur le chemin spirituel des difficultés insurmontables, empêchant le renoncement intérieur et spontané au désir. La sexualité dans le mariage diffère entièrement de la sexualité en dehors du mariage. Dans la vie conjugale, les sanskaras de luxure sont beaucoup moins profonds et l'on peut se libérer plus facilement. Lorsqu'une relation sexuelle est accompagnée d'un sentiment de responsabilité, d'amour et d'idéal spirituel, les conditions sont plus favorables à une sublimation de la sexualité que lorsqu'elle est sans continuité ni profondeur.
Dangers d'une vie sexuelle sans continuité
Avec des partenaires de passage, la tentation de n'explorer que les seules possibilités de la sexualité est extrêmement forte. Les aspirants doivent réduire au maximum le champ de la sexualité pure, pour arriver à vraiment comprendre des valeurs qui sont seulement accessibles par la transformation graduelle de la sexualité en amour. Si le mental essaye de comprendre la sexualité en explorant toutes ses possibilités, il sera la proie d'illusions infinies, car une telle exploration ne connaîtra pas de fin. Avec des partenaires de passage, la première des suggestions qui se présentent à l'esprit est la satisfaction d'appétits charnels. Les individus sont alors forcés de réagir vis-à-vis d'autrui dans les limites de cette perversion initiale et de fermer la porte à des expériences plus profondes.
L'infini accessible par la vie conjugale
Il est impossible de saisir la Vérité en gambadant à la surface de la vie, et en multipliant les contacts superficiels. Il faut préparer le mental et le rendre capable de se concentrer sur les expériences choisies et de se libérer de ce qui le limite. Ce processus de discrimination entre le plus haut et le plus bas, et la transcendance du dernier en faveur du premier, sont rendus possibles par une concentration de l'être tout entier et le soutien d'un intérêt véritable envers la vie. De telles qualités sont nécessairement absentes lorsque le mental se fait esclave de l'habitude de ne se fixer sur rien et d'errer d'objets en objets tous similaires quant à l'expérience qu'ils apportent.
Dans la vie conjugale, au contraire, il y a tant d'expériences diverses à partager que la satisfaction de l'appétit sexuel n'est pas forcément la première des suggestions qui se présentent à l'esprit. Les aspirants spirituels y rencontrent donc la possibilité de reconnaître et d'annuler les facteurs qui limitent leur champ d'expérience. En éliminant graduellement le désir charnel et en progressant au moyen d'expériences de plus en plus profondes d'amour et de sacrifice, ils peuvent finalement arriver à l’Infini.
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